Le football camerounais, passion nationale et miroir des espoirs collectifs, traverse une crise sans précédent. À la veille de l’assemblée générale élective de la FECAFOOT, prévue le 29 novembre, les contestations se multiplient contre Samuel Eto’o. Et cette fois, elles ne portent pas seulement sur des querelles internes : elles touchent au cœur même de la légitimité du processus électoral.
Samuel Eto’o, président en exercice, est au centre de la tempête. Ses opposants dénoncent une stratégie de verrouillage : la majorité des personnalités susceptibles de se présenter ont été suspendues par ses instances. Les autres candidatures ont été invalidées par le comité électoral qu’il contrôle. Résultat : le scrutin apparaît comme un rendez-vous sans véritable compétition, où l’issue semble jouée d’avance.
À cela s’ajoute une contestation plus lourde encore : la candidature de Samuel Eto’o elle-même est remise en cause. Des soupçons de détournements de fonds liés aux matchs des Lions Indomptables alimentent les accusations de gouvernance opaque. Comment se fait-il que la Commission d’Éthique de la Fécafoot ne se soit pas penchée sur ces accusations lourdes très bien documentées ? Dans ce contexte, l’élection du 29 novembre est perçue par une partie des acteurs comme une mascarade institutionnelle.
L’État est contraint d’intervenir pour s’assurer que Samuel Eto’o ne pervertissent les instances de la Fecafoot
Face à cette situation jamais vue auparavant, le Premier Ministre, Chief Joseph Dion Ngute, a convoqué plusieurs figures du football national. Parmi elles, le Général Pierre Semengue, Faustin Domkeu, Pierre Kwemo et d’autres opposants de poids. Objectif : offrir une tribune officielle à leurs revendications et tenter de désamorcer une crise qui menace d’imploser.
Cette intervention rare traduit l’inquiétude du gouvernement. Car au Cameroun, le football n’est pas un simple divertissement : il est un vecteur d’unité nationale, un symbole de fierté collective. Une fédération divisée et discréditée fragilise bien plus qu’un secteur sportif ; elle ébranle une part de l’identité du pays.
Le Cameroun est un pays où le football est roi, mais où sa gouvernance reste fragile. Ce paradoxe est dangereux : il nourrit les passions mais expose aussi la société aux secousses. En verrouillant le processus électoral, Samuel Eto’o prend le risque de transformer une institution sportive en champ clos de contestations politiques et judiciaires.
L’État, en endossant le rôle d’arbitre, se retrouve face à un dilemme : garantir la stabilité sans être accusé d’ingérence. Mais son implication souligne une vérité : le football est trop important pour être abandonné aux seules manœuvres internes d’une fédération.
Un scrutin à haut risque
Cette date du 29 novembre ne sera pas une simple date dans le calendrier sportif. Ce sera un test de crédibilité pour l’image du Cameroun. Si cette élection se déroule dans un climat verrouillé et contesté, elle risque d’aggraver les fractures et de ternir durablement la réputation du pays.
À l’inverse, si l’État parvient à imposer un minimum de transparence et de dialogue, ce scrutin pourrait devenir un tournant vers une gouvernance plus responsable. Mais le chemin est étroit, et en face de lui se trouve un homme, singulier à l’égo surdimensionné qui ne recule devant rien pour jouir du plaisir d’avoir eu raison.
Au-delà des querelles de personnes, c’est l’avenir du football camerounais qui se joue. Une fédération crédible et démocratique est indispensable pour porter haut les ambitions sportives du pays. Mais une institution verrouillée et contestée ne peut qu’alimenter la défiance. Le match qui se joue en coulisses n’a rien d’amical : il engage la légitimité d’une institution centrale et, peut-être, la confiance même des Camerounais dans leur football.












