Enseignant de droit à l’Université de Ngaoundéré, président de Ngaoundéré Fc, et représentant des autres clubs de la région de l’Adamaoua à qui la sentence de la Chambre d’arbitrage et de conciliation du Comité national olympique et sportif du Cameroun (Cnosc) du 28 mars dernier a été favorable, balaye les arguments évoqués par la Fécafoot pour ne pas exécuter cette décision de justice.
Vous avez lu les arguments de la Fécafoot pour justifier sa volonté de ne pas exécuter (ou exécuter à temps voulu) la sentence du tribunal du CNOSC en votre faveur. Comment réagissez vu à cela ?
Il s’agit là d’une attitude de mauvaise foi. Ils sont nombreux dans ce monde, les justiciables vaincus, qui refusent d’accepter leur défaite. Il n’y a donc rien de surprenant dans le comportement affiché de Monsieur Iya Mohammed et ses acolytes. Faut-il rappeler, la sentence dont il est question les rend, pour leur grande majorité, non-électeurs et non-éligibles dans les assemblées générales des ligues décentralisées, et par conséquent, il devrait quitter la Fécafoot qu’ils occupent abusivement depuis de nombreuses années. Appliquer une telle sentence est l’équivalent, pour eux, d’un suicide fédératif. Ils refusent donc de « mourir ». Quoi de plus naturel !
La justice sportive a dit qu’elle « ordonne ». Un tel ordre ne se discute et doit être exécuté, de gré ou de force. Il n’appartient pas à un justiciable de dire quand il exécutera une décision qui lui est défavorable. Seul l’exercice des voies de recours peut faire retarder l’exécution d’une décision de justice. Monsieur Iya peut dont faire du dilatoire en saisissant le Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne, en Suisse. Je l’y attends de pieds fermes et lui annonce d’ores et déjà, comme on le dirait dans le langage de la Boxe sportive, un K.O dès le premier round : il n’a aucun argument valable sur le plan juridique, pour espérer m’affronter avec succès à Lausanne.
La Fécafoot parle de non-rétroactivité de la décision du CNOSC, qui est tombé le 28 mars alors que le processus électoral a commencé le 27 mars. Qu’en pensez-vous ?
Il s’agit là d’un argument du désespoir. En droit, on parle de la « non-rétroactivité des lois » et non de la « non-rétroactivité des décisions de justice ». Il est de l’essence même d’une décision de justice que de rétablir le justiciable dans ses droits non-reconnus dans le passé. Une décision de justice a donc toujours un caractère rétroactif dans la mesure où elle sanctionne des actes et des abstentions passés. J’invite par conséquent les conseillers juridiques de la Fécafoot à prendre une inscription dans une faculté de droit pour un bon recyclage. Les portes de l’Université de Ngaoundéré leur sont, à cet effet, largement ouvertes. Depuis 2004, la Fifa a demandé à la Fécafoot de modifier l’article 4 du statut spécial des ligues décentralisées; Iya Mohammed et ses hommes n’ont rien fait depuis lors. La loi du 15 juillet 2011 a donné six mois à la Fécafoot pour changer ce fameux article 4 : ils n’ont rien fait. La décision du Tribunal les sanctionne pour ces manquements dans le passé, et la décision est fatalement rétroactive. En bonne logique juridique, toutes les élections organisées depuis 2004 sur la base de cet article devraient être annulées.
La Fécafoot parle aussi de jurisprudence sur le même sujet, arguant de ce que le même tribunal vous avait déjà débouté sur le même sujet …
Ceux qui parlent de jurisprudence sont hors-sujet sur la question. Ils parlent de deux affaires différentes, dans deux contextes différents. En 2010, le tribunal arbitral a été saisi d’un contentieux électoral, dans une affaire qui opposait le Candidat Nkou Mvondo à la Fécafoot. L’objet de la demande était l’annulation des élections de 2009 à la Fécafoot. Aujourd’hui, il s’agit de toute une autre affaire : celle qui oppose les clubs de football de l’Adamaoua (Ngaoundéré Fc, Banyo Fc, Dynamique Fc, Espoir FC, Renaissance de Meiganga…) à la Ligue régionale de football et à la Fécafoot. L’objet de la demande est la modification de l’article 4 du statut spécial des ligues décentralisées. En 2010, le sport au Cameroun était placé sous l’autorité de la loi de 1996. En 2013, on applique une autre loi, celle du 15 juillet 2011.
Jusqu’où comptez vous allez puisque la Fécafoot entend résister à l’exécution de la décision du Tribunal ?
Nous irons, si besoin est, jusqu’au bout du monde pour libérer le football camerounais, aujourd’hui envahie par ceux-là que j’ai appelés dans mon livre : « Colons parasitaires ». D’autres auteurs, pour désigner les mêmes personnes, ont parlé d’ « assassins du football camerounais », de « braconniers ».
La dernière actualité fait état de ce que les clubs de D2 du Centre se sont réunis lundi soir et exigent « l’harmonisation rapide de l’article 4 du statut spécial des ligues décentralisées », exigent d’être associés au choix des délégués, qui représenteront la région au niveau national, et que le président de la ligue régionale de football du Centre ne devra désigner le 1er vice-président, le secrétaire général, le président de la commission de football des jeunes, le président de la commission de football féminin que sur proposition des clubs. Quel est votre commentaire là-dessus ?
Je suis heureux de constater que les Présidents de clubs aient enfin compris que la Fédération est leur affaire; qu’ils sont seuls détenteurs du pouvoir de décision au sein de la Fécafoot et dans les ligues décentralisées. Je les invite à cette révolution dans notre football qui part de la décision rendue par le Tribunal arbitral du CNOSC en date de 28 mars 2013, une date historique pour le Football camerounais, et même pour l’ensemble du mouvement sportif camerounais.
Entretien mené par Antoine Tella à Yaoundé