Toute la chienlit que les dirigeants de la Fécafoot et des ligues de football du pays sèment depuis des mois ne m’a pas ému outre mesure. Il faut parfois adopter un certain quant-à-soi et s’y accrocher pour essayer de conjurer la gêne que suscitent des comportements qui trahissent les appétits interlopes d’hommes et de femmes qui ont perdu le sens de la mesure et de la décence.
Les prémices de la fin du foot au pays se manifestent de façon éclatante, mais peu me chaut, à la vérité. Là où je me rebiffe, toutefois, c’est lorsque j’apprends que Madame Marlène Emvoutou a payé jusqu’à la chambre d’auberge.
Il y a des limites, quand même. Il y a des choses sacrées dans ce pays, tout de même. Notre statut d’homme camerounais a pour socle une réalité toute simple : c’est nous qui payons. C’est nous qui invitons au restaurant ; c’est nous qui donnons la ration à la case ; c’est nous qui donnons l’argent des beignets, des robes, des sacs et des chaussures. Même lorsqu’elles conduisent la voiture de la famille, c’est nous qui payons l’essence. Ce statut est le nôtre, nous en tirons une grande partie de notre autorité et de notre séduction, et il n’est pas question que quelques hommes qui n’en sont peut-être pas permettent que ce privilège soit mis à mal.
Ce qui se passe à la Fécafoot représente ainsi, lorsqu’on y pense bien, une grave menace pour l’évolution de l’homo kamerunensis et est de nature à bouleverser les rapports sociaux dans notre pays. Ce n’est plus du foot. C’est du sérieux. Vous pensez que les autres femmes vont rester là, les jambes croisées, et laisser Madame Emvoutou payer toute seule ? Et si elles exigeaient de payer dorénavant le loyer et l’électricité ? De rationner à la maison ? De payer leur lait corporel, de nous donner l’argent de poche ou, pire encore, de payer la bière au Sous-Manguiers ? Je tremble pour les générations futures d’hommes camerounais que l’entreprise d’émasculation insidieuse entreprise par une houri risque, si on n’y fait gaffe, de jeter dans le désespoir.
Car c’est faux de croire, comme l’ont laissé entendre certains, que Madame Emvoutou est une taupe chargée de débusquer la corruption. Pas besoin de taupe pour ça chez nous, vous le savez bien. Je crois plutôt qu’elle est bien la cinquième colonne d’une armée de l’ombre chargée de prendre d’assaut et de pulvériser, à terme, la seule citadelle masculine inviolable jusqu’ici, à savoir le privilège exclusif que nous avons de payer. Si on les laisse payer, nous sommes morts. Peut-on, je vous demande un peu, laisser mourir sans réagir et le football et le pointeur ?