J’entends, de plus en plus, parler d’une histoire de clan, amplifiée en cela par certains confrères. Des clans qui créeraient du souffre dans la tanière des Lions. De quel clan parle-t-on ? Du clan des Casalesi de la mafia napolitaine ou du clan qu’on retrouve dans nos villages ? Non !
J’apprends qu’il y a de nombreux clans au sein des Lions indomptables. On me parle du clan de Samuel Eto’o, du clan de Rigobert Song, et du clan je ne sais qui encore. Rien que ça ! Comme si un clan dans une sélection nationale de football était une invention camerounaise. Non ! Sous d’autres cieux, les clans, c’est une affaire normale, publique, connu de tous, sans qu’on en fasse tout un tas.
En Argentine, on connaît pas moins de trois clans : celui de Messi, Diego Milito (qui regroupe les frustrés de la sélection Céleste) et celui du « doyen » Veron, (auquel est d’ailleurs proche le sélectionneur Maradona. Au Brésil, on connaît le clan de Kàka, celui de Lucio (de l’Inter Milan) et celui des « non alignés ». Dans la sélection française, c’est connu de tous, il y a trois clans : celui de Thierry Henri, de Ribery, et des jeunes loups aux dents longues. Pendant le stage préparatoire au Mondial, la presse française à même fait le reproche à William Gallas, de vivre en quarantaine et de n’appartenir aucun clan existant chez les « Bleus ». Tout à côté, en Côte d’Ivoire, il y a deux principaux clans : celui de Drogba et des Académiciens (Asec d’Abidjan) où sont passés les frères Touré et plusieurs autres talents Ivoiriens. Les exemples sont d’ailleurs légions. Et cela n’empêche que les résultats suivent.
Un clan ? C’est humain, pardis !
Qu’on se comprenne clairement. Mon propos ne vise pas à encourager la prolifération des clans (qui existent déjà naturellement). Un clan ? C’est naturel et humain, pardis ! Que ce soit dans un bureau, dans une famille, dans une association du village, il va se trouver quelques personnes qui se sentiront plus proches des uns que des autres. Et c’est normal qu’à la fin du match, Choupo-Moting aille prendre un verre en discothèque avec Joël Matip plus tôt qu’avec Nguemo par exemple. C’est plus que normal ! C’est une affaire d’affinité, de feeling (comme l’a dit Pep Guardiola à Eto’o).
D’ailleurs, les clans, ce n’est pas un fait nouveau chez les Lions. Parmi mes souvenirs de chroniqueurs sportifs, j’ai eu à discuter avec des acteurs de premiers choix tels queNgassa Happi, David Mayébi, Isaac Sinkot, « Général » Ndoumbe Léa, et bien d’autres. J’ai appris de vertes et des pas mûres. Les clans, arguent-ils, existent depuis des lustres dans les Lions.
Dans les années 60, c’est le clan de Mbappé Leppé, puissant artificier de l’Oryx de Douala, qui faisait la pluie et le beau temps dans la tanière. Dans les années 80, on n’oublie pas la razzia du clan Canon de Yaoundé qui faisait main basse sur l’équipe nationale. Quand l’envie leur prenait, on retrouvait …11 joueurs du Canon sur le terrain alors que des clubs tels que l’Union et le Tkc de Yaoundé, regorgeaient aussi des joueurs qui donnaient la réplique aux talentueux joueurs du « Kpa Kum ». Aux membres du clan du Canon tels que Jean Paul Akono, Jean Manga Onguené, Thomas Nkono, Aoudou Ibrahim, Eboue Jean Daniel, Mbida Arantès, etc, on oppose ceux du clan de Tonnerre Kalara club de Yaoundé tels que Paul Nlend, Paul Bahoken, Ernest-Lottin Ebongue ou ceux de l’Union sportive de Douala (Union (Ekoulé, Joseph Kamga, Réné Njéa, etc ).
Aussi vieux que le monde !
L’anecdote la plus retentissante, c’est la guerre feutrée qui a meublé la carrière de Manga Onguené (Canon de Yaoundé) et Ekoulé Eugène (Union de Douala) dans la tanière. Ekoulé était préféré à Manga Onguéné par le coach Jean Vincent, par exemple. Mais les deux maîtres à jouer du milieu de terrain de l’époque, Abéga (qui jouait en10) et Mbida (qui jouait en 8) mettaient régulièrement le ballon dans la nuque de l’attaquant Ekoulé, histoire de ne pas lui permettre de bien exploiter ces ballons. Lorsque le coach fait alors entrer Jean Manga Onguené, Mbiga et Abéga lui servent des caviars à gogo. L’anecdote va plus loin, arguant que des fois, Roger Milla (alors professionnel en France) refusait de sortir du terrain pour laisser sa place à Paul Alain Eyobo, feu follet et meilleur buteur du championnat avec Dynamo de Douala.
En 1990, il y avait deux clans en Coupe du monde: le clan de Joseph Antoine Bell, celui des « non alignés » et Roger Milla qui était dans sa bulle parce que imposé par le sommet de l’Etat et qui est boudé par l’ensemble des joueurs. Mais lorsque ces Lions descendaient sur le terrain, les clans disparaissaient. Le Cameroun a créé l’exploit en se faisant à l’entrée des demi-finales !
Morale de l’histoire : Malgré tous ces comportements, parfois, dénués de fair-play, sur le terrain, seul le résultat compte. Pour revenir aux Lions indomptables qui sont en Afrique du Sud, les clans, à mon avis, ne sont rien d’autres que des pantins, de grossiers épouvantails qui n’ont pas d’influence sur le jeu (même si un clan peut exiger jouer avec X ou Y). A qui veut-on faire croire que si on a manqué d’inspiration contre le Japon, c’est parce que le clan Eto’o faisait des crocs-en-jambe au clan « Rigo ». En tout cas, sur le terrain, je n’ai vu rien de tel. Et si on joue mal aujourd’hui, si on ne gagne pas, le problème est ailleurs. Et il est connu de tous : le tâtonnement de Paul Le Guen qui fait le dos rond et reste sourd à toutes les critiques.
Eric Roland Kongou