Dans une démarche maladroite et sans élégance, le président de la Confédération africaine de football (Caf) qui en a visiblement gros sur le cœur contre son prédécesseur Issa Hayatou, multiplie des déclarations chocs qui cachent mal sa ferme intention de retirer l’organisation de la compétition au pays de Roger Milla.
Hier, secrétaire d’Etat au sport, et plus tard à la Pêche, le nouvel homme fort de l’empire football africain qu’il est aujourd’hui, a visiblement la rancune tenace. Inconnu dans la sphère footballistique du continent, mais excellent stratège qui a quand même réussi à détrôner un Caïd, le dirigeant de 57 ans, qui se présentait comme « le candidat du changement » à la veille des élections à la Caf, a visiblement inscrit parmi les points phares de son cahier de charges, la soif de vengeance contre Issa Hayatou. En témoigne ses récentes sorties médiatiques avec en toile de fond, l’éternel débat sur l’incapacité pour le Cameroun d’organiser la Coupe d’Afrique des nations 2019. Si au début, on assimilait cela à des déclarations d’un nouvel élu enthousiaste, excitée par la gloire et les honneurs du trône, ces derniers jours, celui qui portait l’étoffe du chef de file du clan « anti-système Hayatou » pour finalement être chef à la place du chef, dévoile clairement son intention de régler ses comptes.
L’ami du Maroc et de l’Algérie
Alors que le Cameroun semble en retard sur le cahier des charges sur lequel il a été désigné en 2014, la Caf a décidé de passer de quatre à six le nombre de stades nécessaires pour l’organisation de cette prestigieuse compétition. C’était lors du symposium de l’instance au mois de juillet 2017 à Rabat (Maroc). Vendredi dernier, Ahmad Ahmad, obnubilé par cette obsession de « tuer par l’épée », a alors profité d’une visite au Burkina Faso pour envoyer un cinglant message au pays des Lions Indomptables. « Même à quatre équipes, le Cameroun n’est pas prêt », a-t-il lancé face à la presse. Autant dire que la visite d’inspection prévue à partir du 20 août s’annonce déterminante. « Nous avons décidé que désormais ce ne sont plus les membres du comité exécutif qui vont inspecter les pays retenus pour l’organisation de la Can. Ce sont désormais des experts qui le feront et la Caf statue au regard des résultats. Pour ce qui concerne le Cameroun, nous allons envoyer les experts et on décidera à l’issue de leur mission d’inspection », a ajouté le dirigeant. Même si ces déclarations expriment à suffire sa volonté de voir une organisation impeccable adossée aux normes de la Caf ; elles trahissent surtout le désir de celui qui a bénéficié du soutien des 14 fédérations de la Cosafa (Conseil des fédérations d’Afrique australe) pour se hisser au trône, de voir cette Can filer des doigts du Cameroun pour atterrir chez les Marocains ou les Algériens, deux sérieux prétendants en embuscade et dont il serait très amis.
Les chantiers baignent dans la lenteur
Ayant accepté le nouveau cahier des charges plutôt que de contester ce passage soudain à 24, le Cameroun se retrouve donc sous pression. Et Ahmad, en manque d’humilité, d’élégance et de pédagogie, continue de resserrer l’étau. L’homme qu’on riait au nez parce que sur le papier, il était un ultra-outsider face à l’inamovible Hayatou qui continuait à bénéficier du soutien de la presque majorité des fédérations membres de la Caf, mène désormais la vie dure à son challenger d’hier. Le malgache censé incarner le renouveau du football africain après 29 ans de règne sans partage du Camerounais souvent cité dans plusieurs affaires de corruption mais jamais reconnu coupable, est engagé dans une démarche visant à prouver à son « bourreau » d’hier que la vengeance est un plat qui se mange froid.
Quoi qu’au delà de la présumée vendetta d’Ahmad Ahmad, il faut reconnaître que le pays de Samuel Eto’o a offert à la Caf, l’occasion de lui taper sur les doigts. Trois années après l’attribution de cette Can, on en est à peine 17% de réalisations dans les milles et un chantier de construction et de réhabilitation des infrastructures sportives, routières, hospitalières et hôtelières engagés dans une dizaine de villes du pays. Pendant ce temps, le Gouvernement, recordman dans la lenteur et reconnu pour l’ultra politisation de toutes ses initiatives, multiplie des conférences de presse, des réunions interministérielles et des déclarations saugrenues dans les médias plutôt qu’à mettre le pied sur l’accélérateur.
C.D.